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01.09.2020

Ensauvagement : A propos de l’action du 21 août 2020 contre l’ASPAS

Le 27 juillet dernier, la FDO 26 (Fédération Départementale Ovine) organisait une réunion à laquelle étaient conviées différentes organisations en lien avec le milieu rural. Ont répondu à l’invitation la Fédération des chasseurs, les JA*, la FDSEA*, la Coordination rurale, Iloudev, l’ADEM, Bienvenue à la ferme, Eleveurs et Bergers du Vercors et la Confédération paysanne 26.

Le but de la réunion était de proposer aux organisations présentes de participer à un collectif appelé « Sauvons notre ruralité », principalement en réaction aux acquisitions de foncier par l'ASPAS pour la création de leurs réserves de vie sauvage. L'objectif de ce collectif est de « dénoncer la spoliation et l'ensauvagement des terres qui met en danger la diversité des activités humaines rurales : les espaces naturels, agricoles et forestiers, doivent rester lieu de vie et outil de travail des ruraux. »

 

La Confédération paysanne s'étant emparée de la question du ré-ensauvagement depuis quelques temps déjà, il nous a semblé important de participer à cette réunion, a minima pour faire connaître notre position (même si elle reste encore largement à affiner) sur le sujet. Pour autant, à l'issue de cette réunion, il ne nous a pas semblé souhaitable de participer à l'action proposée par ce collectif en formation, à savoir une manifestation dirigée contre l'ASPAS. Nous avons exprimé les raisons de notre refus aux organisations présentes en leur adressant le courrier suivant :

 

« Lors de la rencontre du 27/07 à Valence, chaque structure présente a pu exposer rapidement ses positions sur la question des projets de réensauvagement dans la Drôme. Comme vous avez pu l'entendre lors de cette réunion, la Confédération paysanne se positionne clairement contre cette approche qui consiste à vouloir exclure toute activité humaine, notamment agricole, de certains territoires au nom de la protection d'une nature sauvage. Nous rejoignons donc en cela une partie des positions du collectif qui souhaitent mettre en avant la préservation d'un certain nombre d'activités humaines existantes, et souvent très anciennes, dans l'idée d'un monde rural socialement dynamique.

Pour autant, il nous semble prématuré d'envisager la participation de la Confédération paysanne de la Drôme à la manifestation du 21 août dans la mesure où celle-ci a été décidée avant même d'en discuter avec l'ensemble des membres présents lors de la réunion du 27/07. Et comme il se trouve que la Confédération paysanne 26 a déjà longuement exprimé ses désaccords avec l'ASPAS sur la question du réensauvagement et des loups (par des articles, des communiqués de presse, des courriers et même une rencontre avec l'équipe dirigeante), cette action précise ne nous semble pas pertinente aujourd'hui.

En revanche, la préservation des terres agricoles, la prédation sur les troupeaux et les questions de biodiversité (sauvage et domestique) étant au cœur de nos réflexions, nous restons intéressés par la participation à un collectif d'acteurs ruraux mobilisés sur ces questions. En tant que syndicat paysan, nous pensons en effet qu'il nous faut défendre un projet agricole capable de répondre aux enjeux alimentaires et environnementaux actuels. C'est donc avec intérêt et dans cet objectif que nous sommes disposés à poursuivre les échanges initiés au sein de ce collectif. C'est en tout cas un préalable indispensable pour nous avant de pouvoir envisager des actions communes. »

 

La manifestation contre l'ASPAS et le réensauvagement, à laquelle nous n'avons donc pas participé, a bien eu lieu. Au vu des articles de presse, l'action a été fortement suivie et bien relayée dans les médias. Les prises de position lors d'événements de ce type sont toujours schématiques et ne permettent pas d'exprimer des positions dans toute leur complexité. On y a donc vu clairement l'opposition entre deux visions du territoire rural : d'un côté ceux (taxés d'« écolos ») qui considèrent le milieu rural comme le dernier refuge de la nature sauvage qu'il s'agit de protéger des activités humaines et de l'autre côté les usagers traditionnels du monde rural pour qui c'est un lieu de vie porteur d'une identité culturelle qu'il s'agit de défendre. Chacun se sentant à la fois menacé et plus légitime que l'autre. Au fil du temps et de l'évolution de la société, les espaces de rencontre et de partage entre les différents acteurs ruraux et urbains se sont effacés pour laisser place à beaucoup d'incompréhension et aux conflits qui en découlent. Dans ce contexte, il n'est pas évident de trouver comment promouvoir l'agriculture paysanne que nous défendons à la Conf', comment rester ancrés dans le monde rural dont nous sommes issus et que nous défendons tout en intégrant les nouveaux défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés.

Dans ce débat complexe, attention à ne pas perdre de vue les raisons profondes de la crise de la ruralité dans son ensemble et à focaliser notre énergie dans des conflits stériles qui ne résoudront pas le fond du problème. Pendant qu'on s'étripe entre « «écolos » et acteurs « traditionnels » du monde rural en cherchant un bouc émissaire, l'artificialisation des terres avance, l'agriculture industrielle gagne du terrain et les paysans et la biodiversité reculent.

 

Christophe Morantin, paysan à Glandage

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