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VITICULTURE
10.09.2020

Crise viticole... dans la Drôme aussi

22.10.2020 -
Cet article, rédigé par un nouvel installé, coopérateur à la Cave de Die, ne traitera que de la situation à la cave de Die Jaillance, principal opérateur sur le marché de la Clairette de Die, pas de celle des caves particulières ni du négoce, certainement plus contrastée.


Éléments de contexte

Depuis quelques années, les ventes de Clairette de Die stagnent voire diminuent légèrement, tandis que les surfaces plantées, elles, ont continué à augmenter. Ainsi, les stocks augmentent, proche du stockage maximum permis par le volume de cuverie du site de Die. Seules les ventes des cuvées bio progressent de façon significative en volume ces dernières années.

Le gel de 2017, qui a diminué la récolte de moitié à l'échelle de la Cave, n'a pas permis aux stocks de diminuer structurellement, mais a eu d'importantes conséquences sur la trésorerie des viticulteurs.

La Clairette de Die souffre depuis plusieurs années d'un déficit de notoriété, d'une image parfois dégradée, ainsi que de la concurrence des effervescents étrangers, Prosecco en tête.

Pour ne rien arranger, la crise du Coronavirus a fait chuter les ventes de vins effervescents de façon drastique : -70% de ventes pour la Clairette de Die sur les mois de mars-avril-mai 2020, jusqu'à -90% pour le Champagne.

Le gouvernement a mis en place au niveau national une aide à la distillation de crise conséquente, pour réduire les stocks en envoyant une partie de ceux-ci à la distillation et ainsi maintenir les prix, mais ne nous y trompons pas, cette mesure – bien que nécessaire à court terme– est un pis-aller. D'abord parce que le prix proposé est bien inférieur à la valeur réelle du stock, mais aussi parce que ça ne résoud pas les raisons profondes de la crise.


Jaillance face à la crise

En 2019, les rendements demandés par la Cave sont passés de 60hL/ha (rendement moyen des dernières années) à 54hL/ha. Cette année, ce seront 45hL/ha en conventionnel, 48hL/ha en agriculture biologique qui seront ramassés. En plus de cela, une partie de la récolte 2019 ne sera pas payée aux viticulteurs-trices, pour compenser le faible prix de valorisation des stocks dans le cadre de la distillation de crise. Pour ne rien arranger, celle-ci sera prélevée au moment des vendanges, là où les sorties de trésorerie sont les plus importantes pour payer les salaires des vendangeurs !

Pour les nouveaux installés comme pour les coopérateurs en activité depuis plus longtemps, les conséquences sont importantes : problèmes de trésorerie pendant les vendanges, absence de perspectives de revenus suffisants à court et moyen terme, décalage d'investissements en matériel ou en renouvellement du vignoble, difficultés à garder des salariés sur toute la saison.

Cette baisse des rendements, et donc du revenu des viticulteurs, est prévue pour durer au moins pendant une période de cinq ans.

La stratégie actuelle du groupe Jaillance concentre son énergie sur la présence en GMS, privilégie les grosses commandes, cherche de nouveaux marchés au grand export, fait des choix de nouvelles cuvées discutables (une Clairette sans sulfites non bio !). Selon moi, cette stratégie vise à aller au plus simple, et nous empêche de prendre le virage nécessaire vers un développement tourné vers l'avenir. Par ailleurs, l'investissement dans des effervescents d'autres régions – Crément de Bordeaux, vins effervescents du val de Loire – donne le sentiment aux viticulteurs du Diois que la priorité du groupe Jaillance est ailleurs.

L'investissement dans le vignoble bordelais par le Groupement Foncier Viticole (GFV) de la Cave de Die, crée initialement pour favoriser la reprise d'exploitations et favoriser l'installation, est à ce titre un symbole.

Ces inquiétudes font craindre une perte d'attractivité de la filière, qui a déjà du mal - comme beaucoup d'autres - à renouveler ses actifs. Si hier s'installer avec 4 ou 5 ha était possible et offrait la perspective de pouvoir vivre de son travail, aujourd'hui le doute est de mise. Plusieurs installations de jeunes agriculteurs et agricultrices ont eu lieu ces dernières années, mais aujourd'hui beaucoup y renoncent, hésitent, ajournent en attendant de voir.

Aujourd'hui, il n'y a plus de nouveaux droits de plantation, y compris pour les jeunes qui s'installent, ce qui rend l'installation possible uniquement sur une reprise d'un parcellaire existant. Le prix moyen de vente d'une vigne en AOP* Clairette de Die reste encore très élevé et rend presque impossible les installations hors cadre familial avec beaucoup d'achat de foncier.


Des signaux inquiétants au Conseil d'Administration

Il y a quelques années, le départ de plusieurs viticulteurs-trices très engagés en faveur du bio et très investis au sein du Conseil d'Administration a marqué durablement l'ambiance de la Cave Coopérative. Récemment un autre viticulteur bio a été contraint de quitter le Conseil malgré son implication et son dynamisme au service de tous les coopérateurs.

Ce nouveau départ est un symbole préoccupant de plus. Ce sont pourtant bien les idées – novatrices à l'époque – de la coopération et de l'entraide d'abord, puis des pionniers du bio qui ont fait de la cave Jaillance ce qu'elle est aujourd'hui.


Préserver un outil collectif

Nous sommes nombreux à trouver nécessaire une réorientation des priorités et de la stratégie de la Cave de Die-Jaillance : diversification des marchés (cavistes, épiceries de proximité, restaurants, etc.), valorisation des cuvées bio, mise en avant des cuvées bruts et du crémant, accroissement de notre présence à l'échelle régionale.

Cette réorientation stratégique est un tournant incontournable, en plus des mesures nécessaires de régulation du marché que sont la limitation de la production, l'arrêt des nouvelles plantations, la production de nouvelles cuvées (un effervescent rosé – hors appellation pour le moment - est en préparation).

La progression des ventes des cuvées bio – qui pourrait être encore plus importante si des efforts supplémentaires étaient réalisés dans ce sens - nous montre que nous devons aller dans cette direction.

Premier employeur de la commune de Die, la Cave devrait être un outil collectif au service du territoire, pourvoyeur d'emplois, permettant des installations nombreuses et œuvrant pour une agriculture saine.

Nous avons encore un bel outil de travail, il ne tient qu'à nous de nous mobiliser pour faire bouger les lignes tant qu'il en est encore temps.


Clément Delage, viticulteur à Vercheny

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