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SOLIDARITÉ
26.08.2021

Solidarité avec nos camarades poursuivis pour attroupement le 8 juin 2021 à Valence

26.08.2021 -
Les 6 paysan-nes interpellés le 8 juin, lors de la visite d'Emmanuel Macron à Valence, se sont retrouvés en garde à vue aux côtés de 4 citoyen-nes. Compilation de témoignages de garde à vue et textes de soutien.

 

« Nous savions tout cela. Et pourtant, paresseusement, lâchement, nous avons laissé faire. Nous avons craint le heurt de la foule, les sarcasmes de nos amis, l'incompréhensif mépris de nos maîtres. Nous n'avons pas osé être, sur la place publique, la voix qui crie, d'abord dans le désert, mais du moins quel que soit le succès final, peut toujours se rendre la justice d'avoir crié sa foi. Nous avons préféré nous confiner dans la craintive quiétude de nos ateliers. » (Marc Bloch, L'Étrange défaite. Témoignage écrit en 1940 (1946), Gallimard, 1990, p. 204)
Extrait de texte tiré du livre de Barbara Stiegler 'De la démocratie en pandémie',
Lu par un artiste peu de temps avant son arrestation devant l'école LIVE,
dite "de la deuxième chance", école privée financée par le groupe de luxe de Bernard Arnault LVMH, où Brigitte Macron dispense des cours de culture générale

 

 
1. Les faits
8 Juin 2021. Visite du président Macron à Tain l'Hermitage, puis Valence. Deuxième visite présidentielle depuis le début de ce quinquennat dans la Drôme. La première était dans le cadre du 'grand débat' en plein coeur du soulèvement des gilets jaunes. Alors, il n'avait pas osé se confronter à la foule. Mais depuis, les choses ont changé. Le peuple se tient sage. De grands moyens ont depuis été déployés pour le faire ployer. Et ce 8 juin, cela se vérifie. 
Ce qui suit est un nouvel exemple de ces manoeuvres faites pour faire taire celles et ceux qui exercent pourtant un de leurs droits fondamentaux à l'expression.
 
Valence. 11h35. Quelques personnes, moins d'une quinzaine, aux profils très divers (syndiqués, membres de partis ou d'associations écologistes, anti-nucléaires, paysannes, gilets jaunes), sont nassées et contrôlées devant le centre des impôts de la ville. Premier déploiement massif de forces de police pour un si petit groupe, tous masqués et respectant donc le cadre sanitaire en vigueur à ce moment là. Ce premier contrôle a donné lieu à des amendes de 135 euros pour 'rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale en état d'urgence sanitaire', dont les premières ont commencé à arriver aux domiciles des personnes le 21 juin. 
 
12h. Alors que le président est encore en train de visiter l'école hôtelière de Tain l'Hermitage, un tout petit nombre de personnes chantent calmement et entament une criée publique devants l'école Live. Rapidement les forces de police décident de les repousser un peu plus loin, de manière musclée, faisant même tomber volontairement une jeune fille à la suite d'une coup de bouclier. Peu de temps après, alors que les personnes ne chantent plus, et sont éparpillées, prêtes à s'en aller plus loin, des sommations peu claires sont prononcées puis très rapidement des personnes sont arrêtées après avoir été désignées par un gradé. Ces 4 personnes sont amenées au commissariat de Valence, où elles seront gardées à vue jusqu'à 21 heures, après le départ du président de la ville. 
Elle sont poursuivies pour le délit suivant :  'continué volontairement à participer à un attroupement après les sommation de dispersion' et refus de prise d'empreintes digitales, palmaires ou photographiques. Elles passeront le 2 septembre devant le délégué du procureur de Valence.
Une cagnotte est lancé pour les soutenir : 
 
2. A propos de l'attroupement - Décret du 2 Mai 95  
Extrait d'un article de Amnesty Internationale intitulé 'DROIT DE MANIFESTER : POURQUOI CERTAINES LOIS FRANÇAISES SONT-ELLES CONTRAIRES AU DROIT INTERNATIONAL ?'
"La loi sur l'attroupement : elle est spéculative
Pour la loi française, tout rassemblement public susceptible de troubler l'ordre public est passible de sanction : c'est le délit d'attroupement (article 431-1 code pénal). Les autorités peuvent donc poursuivre des manifestants si elles ont eu l'impression qu'ils avaient l'intention de troubler l'ordre public. Le simple risque est donc pénalisé.  
Ainsi, des manifestations ont été considérées comme des attroupements et sommées de se disperser simplement parce qu'elles n'étaient pas déclarées. Les participants ont pu être poursuivis pour attroupement alors qu'ils étaient rassemblés pacifiquement et que, dans certains cas, ils n'avaient même pas entendu les sommations. En droit international, l'absence de notification aux autorités d'une manifestation ne rend pas un rassemblement illégal. Et il est admis que les autorités doivent tolérer un certain désordre pour permettre l'exercice de la liberté d'expression (l'entrave à la circulation, par exemple). 
En 2019, quarante-deux personnes ont été condamnées pour organisation d'une manifestation non déclarée, soit sept fois plus que l'année précédente (seulement six personnes avaient été condamnées) et 244 personnes ont été condamnées pour attroupement. En 2016, au moment des mobilisations contre la loi travail, seules cinquante-quatre personnes avaient été condamnées pour ce délit.   
Comment cette loi pourrait respecter le droit international ? La loi ne devrait sanctionner que les rassemblements qui menacent réellement l'ordre public, et pas ceux qui sont considérés comme  « susceptibles » de le faire. "
Article complet :
 
3. Témoignages et textes plus personnels 
 

Texte 1

" Il n'est pas aisé d'avoir le courage de ses opinions, d'autant plus quand celles-ci s'attachent à des valeurs républicaines. Cela peut paraître comme une contradiction, mais c'est un fait indéniable. Défendre de telles valeurs aujourd'hui, s'en réclamer, c'est se mettre en danger. Nous avons été quatre, du Collectif Occupation Valence, à en avoir fait la terrible expérience ce mardi 8 juin 2021 à Valence lors de la visite présidentielle dans notre contrée provinciale. 
On nous a d'abord interdit de nous servir de banderoles et d'un mégaphone lors d'un premier contrôle d'identité avec force agents de police qu'on sentait déjà bien sous pression. Nous avons obtempéré. Après qu'ils nous aient enfin laissé passer, en ayant préalablement relevé nos identités, nous nous sommes retrouvés, la petite douzaine que nous étions, sur l'avenue Félix Faure dans le but de pique-niquer pacifiquement (comment aurions-nous pu pique-niquer de façon belligérante ?). Quand nous avons appris la présence de la Première Dame à 30 mètres de là où nous nous trouvions, dans les locaux de l'agence LIVE, nous avons décidé de nous y poster, comme un certain nombre de braves gens déjà présentes, afin de faire entendre notre voix et peut-être, si l'occasion se présentait, d'interpeler Brigitte Macron, mais toujours de façon pacifique, sans haine ni violence. Nous avons chanté une chanson, nous avons parlé haut en exprimant notre désir de liberté et de dignité, mais sans voir l'intéressée. Nous n'avons guère eu le temps de faire autre chose. La police est de nouveau intervenue avec brigade de CRS à l'appui et nous a fait reculer, parfois même en bousculant sans ménagement les plus vulnérables d'entre nous. Les forces de l'ordre étant ainsi déployées, nous ne pouvions rien faire si ce n'était attendre et assister penauds à la suite des évènements comme un troupeau de vaches regarde passer le train. De l'ordre, il y en a eu du coup. Nous n'étions désormais que de simples citoyens présents comme beaucoup d'autres sur le pavé de notre ville. C'est alors que des policiers en civil, avec tout leur amour du travail bien fait, sont venus interpeler quatre d'entre nous. De nouveau, relevé d'identité et embarcation dans le fourgon. Une fois au poste, on nous a mis dans une cellule poisseuse et sentant fortement l'urine. Nous y avons passé neuf heures. Nous sommes maintenant cités à comparaitre le 2 septembre prochain devant le délégué du Procureur à Valence pour attroupement… 
Ce qui nous reste aujourd'hui ce n'est pas de la colère, même si nous nous sentons profondément victimes d'une injustice, mais de dégoût pour cette société qui bafoue aussi impunément notre droit à la liberté d'expression et à la dignité."
 

Texte 2

 
Un attroupement peut en cacher un autre
D'attroupements dans cette histoire, il y en a plusieurs. 
Invitation à l'attroupement. Incitation à l'attroupement. A l'attroupement de badauds. Collés, serrés, entassés derrière des barrières installées à cet effet. Attroupement souhaité celui-ci. D'une masse anonyme venue pour un selfie, pour approcher la célébrité. A ce moment là, c'est pour le président qu'elle s'attroupe cette foule. Elle aurait été là aussi, et certainement encore plus importante d'ailleurs, pour Kilian Mbapé ou Justin Bieber. D'ailleurs sait-elle cette foule, que comme ces deux derniers, elle servira aussi le président. Sait-elle qu'elle sera un faire valoir de plus, d'une présidence pensant ainsi gagner des voix auprès d'une autre foule, absente celle-ci, mais rassemblée derrière ses écrans ? Qu'elle participe à la propagande d'un homme dont les commentateurs disent alors qu'il va au contact pour "prendre le pouls du peuple"
Un peu plus tôt. Même lieu. 
D'autres sont là aussi. Bien moins nombreux. Une poignée. Eux sont bien là pour lui. C'est de lui qu'ils aimeraient se faire entendre. Chanter leur indignation face à la casse sociale qui est en marche, aux libertés qui disparaissent jour après jour, à la surveillance et la violence partout déployées. Mais eux on ne les veut pas sur la photo. Alors, comme on ne veut pas les voir, ni les entendre, on les enferme. 
 
Et un jour on vit l'arbitraire dans sa chair. Les mots peuvent sembler forts, et pourtant, c'est ainsi que je l'ai vécu. On implique son corps. Nous voilà entre 2 molosses, qui nous demandent, de ces propositions que l'on ne peut pas même penser à refuser, de les suivre. Tout se passe très vite là. Ils ne nous disent pas où, ils ne nous disent pas pourquoi, mais l'on sait à ce moment que c'est notre tour d'entrer dans l'engrenage policier et judiciaire. Cet engrenage dans lequel ont été pris tant d'autres avant nous. On les suit donc, et on attend, debout, entouré d'une masse bleue, qui ironise sur les badauds autour, qui nous regardent incrédules de voir cela arriver sous leur yeux. Des personnes arrêtées, soudainement, pour avoir chanté, est ce possible ? Pourtant si peu nombreux, pourtant si peu dangereux. Cette foule ne voit pas le danger que ceux qui prennent les décisions, ceux qui commandent aux mains qui arrêtent, voient, eux, dans cette poignée de personnes qui chantent et qui déclament leurs rêves d'un autre monde. 
Alors commence la procédure, alors on est dans l'engrenage. On nous met dans un camion cellule jusqu'au poste. Alors, on nous ment, on attend, on nous aboie dessus, on nous fait ôter notre soutien-gorge, on attend, on nous interroge, on nous ment, on nous ignore, on nous moque, on nous laissé enfermés dans des lieux infectes. Il n'y a aucune raison à c que ça se passe précisément ainsi. Mais c'est la procédure, tout en fait partie. Que serait une garde à vue si l'on ne tentait pas de vous humilier ? L'humiliation fait partie de la procédure, la vexation. On ne sait jamais, d'ici que vous partiez de là sans même une convocation au tribunal, au moins aurez vous déjà eu une bonne petite punition. Ce fut le cas pour 6 paysans arrêtés ce jour là, peu de temps après nous 4. Une garde à vue suivie de rien. Mais pas pour rien. Pour l'exemple. 
Pour nous autres, l'engrenage nous tiendra encore un peu dans ses dents, encore au moins quelques mois, jusqu'au tribunal. La répression en marche.   
Il faut être prêt. Etre prêt à aller en garde à vue. Et être préparé pour la garde à vue.
Pour moi, c'était comme si je l'avais répété dans ma tête. Tellement vu d'autres, des presque inconnus devenus camarades, qui y ont été amenés, pour l'exemple, pour la présence sur un rond point, pour un gilet, pour un opinel, pour un message sur la toile, pour un quiproquo savamment orchéstré pour fabriquer des coupables. Tellement d'autres m'ont raconté, que tout cela je l'avais en quelques sorte déjà vécu. 
Enfin mettre à distance. Ce n'était pas moi en garde à vue ce jour là. C'était une de plus. J'étais cette personne de plus, c'était juste mon tour. 
Il faut que mon tour vienne pour que d'autres viennent après moi. C'est ainsi. Un jour, on ne recule plus, car on est las de reculer. Cela se produit dans son corps mais surtout dans sa tête. Et l'on se dit qu'après nous d'autres suivront. On ne leur souhaite pas. Mais on sait que c'est ainsi. D'autres suivront. D'autres qui d'impensable, verront la garde à vue comme probable et puis un jour inévitable. 
Et puisque cela devait m'arriver autant que ce soit ce jour là. Enfermée, quelques heures pour ne pas être vue ni entendu par le president monarque.
 

Témoignage 3

Un instant d'errance, un frisson de rébellion m'a parcouru et a suffi, en quelques secondes qui m'ont paru des minutes, à sceller ma prochaine garde à vue. A vue. A vue de tous nous étions, à vue des visages étonnés, à vue des bouches qui n'en croyaient pas leur yeux, des narines qui s'élargissent pour prendre une plus grande inspiration. C'était la stupéfaction générale. Pourquoi les mettre en boîtes, pourquoi eux. Pour un chant, pour quelques mots exprimés, ressentis intensément par ferveur démocratique ; une poussière d'êtres humains qui croient sincèrement en leur devoir de citoyens. Pour quelques phrases giclées sur la voie publique -paroles sans haine, rien que de l'épuisement ; tel que nous étions prêts à mettre notre avenir en danger- neuf heures de garde à vue nous ont giflé, éreintantes. Désespérée ou peinée par l'attitude des policiers, je suis restée bête et bouleversée des jours après cette épreuve étonnante. Etonnante parce que comme je l'ai dit à une officière de police judiciaire qui me posa la question : "non", je ne m'attendais pas à aller au tribunal pour mes actes. Un -non sincère qui n'induit que l'innocence ou la naïveté. Et un visage justicier sincèrement étonné d'une réponse sincère, innatendue peut-être.
 

Texte 4

La venue de Macron à valence, une occasion de faire entendre notre mécontentement. 
Comme c'était en semaine, nous n'étions pas nombreux.
En plus, maintenant, tout le monde a peur de manifester. Mes collègues de la CGT m'ont enjoint de 
ne pas bouger ce jour là , ils avaient peur pour moi.
Clairement, de nombreux citoyens sont bloqués par la peur et ne sortent plus pour s'exprimer et
manifester leurs désaccords face au pouvoir. Moi, j'y crois encore, au droit de s'exprimer;
 même si, comme eux, je me rends compte que l'état macron veut nous le retirer.
Bon, me voici donc tout de même à valence le jour de la visite du président pour dire tout le 
mal que je pense de son action entièrement tournée vers les très riches et les puissants au détriment
des petites gens dont je fais partie.
Au début, c'était très sympa, nous étions un petit groupe hétéroclite d'une douzaine. Il y avait des gars 
de la confédération paysanne , des gilets jaunes, des artistes, moi de la CGT. L'ambiance
 était "bon enfant", quelques drapeaux et une sympathique chèvre avaient aussi fait le déplacement.
Devant l'établissement de Mme Macron, près de la fontaine monumentale, un artiste a lu à haute voix
 quelques textes disant les raisons de notre présence.
La petite manif sympa quoi. 
Cela n'allait pas durer...
Vers midi, les forces de l'ordre déjà très présentes un peu partout, ont reçu l'ordre de nous faire taire.
Tout d'un coup, a notre grande surprise, nous avons été bousculés et quelques uns d'entre nous ont été 
fermement capturés sans même nous en donner la raison. 
Et là j'ai eu le déclic! Je crois que j'ai compris un truc...mais trop tard comme à mon habitude.
Quand vient le président, les cadres des forces de l'ordre, le préfet et ses services sont terrorisés:
 à la moindre anicroche ceux ci sont sur un siège éjectable. Si le président tout puissant vient à
 prendre ombrage de quoique ce soit, les sanctions pleuvent.
Justement, et je l'ignorais à ce moment, le président a été giflé à Tain l'Hermitage lors d'un bain de
 foule organisé. le fan club avait été mal trié : erreur inacceptable des services.
Dès lors l'ensemble des sièges éjectables était dégoupillé... les chefs aux abois étaient prêts à tout
pour monter leur zèle à servir la quiétude du président.
Je me rappelle d'avoir vu arriver un gradé très stressé juste avant notre arrestation. Le chef départemental 
de la police me semble-t-il. Notre petit rassemblement était certes revendicatif, mais ne représentait aucun 
danger ( à part celui de nous faire entendre?). Son stress se manifestait physiquement, ses mains tremblaient
et cela m'a surpris. 
Après, tout est allé très vite et c'est comme cela que je me suis retrouvé dans un 
fourgon cellulaire ( ça fait peur ) puis dans une cellule de garde à vue. Pas le temps de comprendre, on 
est enfermé sans comprendre. Juste quelques bribes de conversations entendues entre les policiers qui se 
demandent sous quel chef d'inculpation ils vont pouvoir nous garder. Ils avaient tous conscience que nous 
n'étions pas dangereux et que nous n'avions rien fait de mal. Mais les ordres sont les ordres et surtout, 
à tous niveaux, les sièges sont éjectables quand la colère ruisselle de haut en bas de la hiérarchie.
J'ai été libéré à 21h30, après que l'avion présidentiel soit reparti.
Alors voilà une journée de prison pour rien du tout : c'est moche!   
Pourtant, même pas peur et surtout pas envie de me taire
 
 

Témoignage de paysannes et paysans de la Confédération Paysanne de la Drôme arrêtées quelques heures après les 4 premiers mis en garde à vue. Ils ont eux aussi été gardés en garde à vue jusqu'au soir pour 3 d'entre eux, et jusqu'au lendemain matin pour les 3 derniers. Ils menaient une action symbolique devant l'école Live. 

 
        Ce mardi 8 juin, lors de la visite de M. Macron, nous avions décidé, nous Confédération Paysanne, de nous trouver sur le chemin présidentiel pour marquer notre contestation et ce de manière non violente. Pour nous, militantes-s, c'est l'occasion de demander à nouveau un rendez-vous national avec M Macron concernant l'élaboration de la nouvelle PAC* (Politique Agricole Commune). Ce sujet est d'une grande actualité. 
Cette PAC*, c'est elle qui a construit l'agriculture d'aujourd'hui : moins d'agriculteurs, des exploitations toujours plus grandes, des pratiques sans respect pour l'environnement. Ce sujet peut paraître technique, pour nombre d'entre nous ; mais c'est un des leviers essentiels pour la construction de l'agriculture de demain. A ce titre, notre syndicat est porteur d'importantes propositions pour faire évoluer l'agriculture sur nos territoires : l'accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous, la relocalisation de notre système alimentaire, des paysannes et des paysans nombreuses et nombreux et à même de répondre à l'urgence climatique. 
        Mais, notre présence ce 8 juin est aussi portée par la volonté de montrer notre mécontentement sur d'autres sujets. En effet,  la récente loi "Climat" trahit tout le travail des citoyennes et citoyens assemblé.es en convention pendant des mois et démontre combien ce gouvernement, comme bien d'autres, est prêt à sacrifier notre avenir pour le profit du plus petit nombre. 
Nous souhaitions aussi dénoncer la visite de cette école de la dernière chance (école LIVE) financée par des fonds privés, car l'école de la république doit donner à chacune-n  toutes ses chances.
        Suite à notre interpellation, nous avons été placés en garde à vue. Au commissariat, nous avons trouvé  quatre autres citoyennes-ns, ne se revendiquant d'aucun collectif. Femme, j'ai été placée dans une cellule  avec deux d'entre elles. Ensemble, nous avons pris soin de chacune et échangé sur nos motivations. Toutes non violentes, et mises en garde à vue pour  avoir porter une parole d'opposition ; nous dénonçons le libéralisme à outrage, l'abandon des services publics, le contrôle accru de nos sociétés. Ces heures passées ensemble, nous ont aussi permis d'échanger sur l'accumulation des peurs et des craintes qui anéantissent les paroles d'opposition et sur cette forme de répression que nous vivions, toutes trois, pour la première fois.
Si nous sommes sortis en soirée, restaient trois autres militants confédérés restés en garde à vue et retrouvant la liberté en matinée. 
L'indignation, c'est le sentiment qui m'habite le plus en repensant à cette journée.
Indignée par les moyens colossaux mis en place pour permettre à Mr Macron de « prendre un bain de foule ».
Indignée également par cette forme de répression étouffant nos contestations et plaçant nos sociétés dans la crainte.
Indignée car, quatre militants pacifistes et humanistes, sont convoqués au tribunal au seul motif « d'attroupement »...
Sonia Tonnot, maraîchère à Bonlieu-sur-Roubion
 
Autre témoignage d'un des paysans de la Confédération Paysanne
 
" Les mots peinent à venir. Moi petit blanc privilégié, éduqué, j'ai passé la nuit en GAV. Oh rien de nouveau, ça fait longtemps qu'on oublie les oubliés, ça fait longtemps. Mais moi petit blanc éduqué, j'ai passé la nuit en GAV. J'avais rien fait. Ils le criaient aussi les autres. On était trois dans la cellule, trois sur une dalle en ciment. On essayait de respirer, une trappe pour seule entrée d'air. On nous interrogeait, à tour de rôle. Moi, on m'a rien demandé. Juste une signature en bas d'un procès-verbal. J'ai refusé deux fois, dans la soirée et le lendemain matin. L'officier écoutait la radio, j'ai entendu qu'il était 7h30. On avait passé la nuit en cellule. On avait rien fait.
 
Monter sur un abri bus pour interpeller le président. Monter sur un abri bus pour tenir plus longtemps. Menottés en 5 minutes et plaqués sur le toit pendant une heure, en plein soleil, le temps que les pompiers arrivent avec une nacelle, le fourgon, la cellule, la nuit, à écraser les puces, une tique, à essayer de respirer, à marcher pieds nus dans la pisse. Et dans la nuit, un policier qui ferme la trappe d'un coup de talon. On lui demande plusieurs fois de la rouvrir, on passe la nuit comme ça, torses nus, sans savoir l'heure. On perd la notion du temps, on cherche des signes, une lumière derrière une grille, sans savoir si c'est un lampadaire ou un lever de soleil.
 
Un bruit de clefs, la porte s'ouvre, et l'air du couloir de la GAV entre dans nos poumons. Ça fait un bien fou. On a les yeux pleins d'ammoniac. La colère, on y arrive pas encore. On a trop entendu notre voisin de cellule hurler : « j'ai rien fait, je suis algérien, j'ai mal », toute la nuit, en pleurant, en tapant. Et quand il s'endort enfin, un policier cogne à sa porte pour le réveiller, et il recommence : « j'ai rien fait, je suis algérien, j'ai mal ». Alors nous, les petits blancs éduqués qui découvrons le monde des oubliés, on arrive pas encore à être en colère, on est effondré, on se tait. C'est ça qui fait mal. Notre colère se heurtant à la misère des plus miséreux que nous. Notre colère qui n'arrive pas à venir. Les larmes non plus. On a pas le droit, on est privilégié. Mais on a passé la nuit en GAV. On avait rien fait.
 
Dans la matinée, deux policiers ouvrent la porte de la cellule : « Monsieur Yon ? » « Oui ». « Vous pouvez sortir ». Comme ça, sans raison. Il faut encore signer. Jusque-là on avait toujours refusé. Mais là on peut sortir, on a rien dormi, on en peut plus, alors on signe. Quoi ? Encore un procès-verbal. J'essaie de le lire, on me tend un stylo. Je distingue vaguement les motifs, sans parvenir à leur donner une grammaire, sans parvenir à faire une phrase : « réunion », « en vue de destruction », « violence », « armés ». On signe, on sort, et on se sent mal. On a mal à la démocratie. On est libre, mais on nous a pris quelque chose. On voulait sortir. On est libre, mais on se sent blessé, on a mal. On prend une douche, on fait une sieste, mais ça ne part pas, ça ne veut pas partir. C'est pas l'odeur, c'est pas le manque de sommeil : c'est notre voisin de cellule qui hurle, c'est nous parachutés dans la misère. C'est nous qui n'avions rien fait. Nous qui sommes la Confédération paysanne, nous qui sommes éleveurs, maraîchers. On connait la terre, les animaux, on fait le marché. On fait la traite, les foins, les récoltes. Mais cette nuit-là, on était en GAV. Et on a mal. On fait les foins, le marché, mais on a encore mal. 
 
Monter sur un abri bus, le 8 juin 2021, à Valence, tenir une banderolle, se faire plaquer au sol, menotter, embarquer, passer la nuit en GAV, résister, et signer un procès-verbal ; sortir, et sentir une douleur qu'on arrive pas à saisir, comme un os démocratique qui se serait brisé, quelque part dans l'anatomie d'un pays."
Mathieu Yon, paysan à Dieulefit
 
Communiqué de soutien 
 
Communiqué CRS 26 - 09 juin 2021
Contre la Répression et pour la Solidarité Drôme
En soutien aux personnes arrêtées et gardées à vue le 8 juin 2021
 
Mardi 8 juin, à Valence, jour de la visite promotionnelle du président Macron en Drôme, quelques personnes souhaitant protester contre la politique menée par le gouvernement, ont été arrêtées et placées en GAV. Dix à notre connaissance. Ces arrestations ont eu lieu sur le boulevard Félix Faure, devant l'institut Live où Brigitte Macron vient donner des leçons de culture générale pour coacher des personnes en réinsertion sociale. Cet institut privé est financé par le groupe de luxe LVMH. Cette poignée de manifestant·es avaient pour armes une criée populaire, des chansons et des slogans.
Quatre personnes qui ne faisaient rien d'autre que d'être là et de chanter ont d'abord été emmenées en garde à vue dans un fourgon pénitentiaire d'ordinaire réservé aux prisonnier·es particulièrement dangereux. Parmi ces personnes certaines étaient militantes connues et identifiées des services de police et d'autres absolument novices. Un peu plus tard, le même sort était réservé aux 6 autres, des paysan·nes de la confédération paysanne venus pour dénoncer la nouvelle politique agricole commune, qui ont été d'abord plaqué·es au sol, menotté·es puis amené·es au poste.
Le président est venu, dit-il, prendre le pouls du pays. Quel diagnostic doit-on tirer suite à de telles arrestations ? Comme dans des dictatures, l'expression contestataire populaire doit être maintenue en France loin de la vue et de l'oreille des dirigeant·es ? Seules les louanges sont autorisées à l'endroit du gouvernement ?
Si les protestations pacifiques sont réprimées et ignorées, cela signifie-t-il que le pouvoir souhaite voir les contestations devenir plus "virulentes" ? ...pour ensuite les réprimer et les critiquer bruyamment comme "violentes" ?
Une trentaine de personnes se sont relayées devant le commissariat lors des gardes à vue. Elles ont pris fin, pour 7 d'entres eux juste après qu'E. Macron ait quitté la Drôme, et le départ de leur soutien devant le commissariat. Elles et ils auront passés plus de 8h en garde-à-vue. Les Trois dernier·es paysan·nes de la Confédérations Paysannes n'ont été relâché·es que le lendemain à 10h, soit après presque 24h de garde-à-vu.
Nous condamnons fermement la violence d'état dont l'intimidation policière est une des formes, aux côtés de la répression judiciaire et administrative.
Nous adressons notre soutien aux 10 personnes gardées à vue et restons mobilisé·es pour la suite.
 
Ass. Abya Yala, Action Collective Antifasciste Valence, ASTI Romans, ASTI Valence, CNT Drôme, Colleuses de Valence, Europe Écologie Les Verts Valence, France insoumise Valence, Gilets Jaunes (Crest, Saillans, Valence, Tain-Tournon, Royans), NPA Valence, Ass. Le Pont Citoyen, Parti Communiste Français Valence, Ricochets.cc, Stop nucléaire 26-07, Solidaires 26-07, Sud Culture 26-07, Sud Éducation 26, Youth for Climate Valence, Witch Bloc Valence.
 
 
 


 
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