Chamarges : une première victoire mais la lutte continue
Depuis le 12 mars, tous les dimanches, les « ZADimanches », de nombreuses personnes se rendent sur le site pour occuper les lieux, marquer notre opposition et informer la population. La mise en culture d'une partie des terres (plantation d'arbres fruitiers, de pommes de terre, d'oignons, de tournesol, de maïs, etc) a permis de montrer que le classement de ces terres en zone constructible ne retire en rien leur caractère agricole. Nous avons aussi eu la joie de voir fleurir ces milliers de tulipes sauvages (espèce protégée et essentiellement présente dans le Diois), menacées de destruction.
Nos multiples actions et demandes pour obtenir un moratoire sur les travaux et ouvrir un véritable espace de dialogue (avec notamment la mise en place d'une médiation entre les parties en conflit), n'ont malheureusement pas été entendues. La situation est donc extrêmement tendue localement, opposant deux projets de société radicalement différents. D'un côté, l'idée que le développement économique et la croissance passent inévitablement par la destruction de plus de terres et de biodiversité. De l'autre, le constat indiscutable qu'on est déjà allés beaucoup trop loin dans la destruction de notre environnement et qu'on ne peut penser l'économie et le bien être social qu'en préservant ce qui nous reste des ressources indispensables à notre survie.
Nous venons tout récemment d'apprendre le retrait de Lea nature du projet d'extension de la ZA de Chamarges. Ce géant des produits bios distribués en supermarchés, principal actionnaire de Nateva, attache une importance particulière à son image et préfère revoir son projet initial de peur de souffrir (commercialement) d'une mauvaise publicité. Il annonce ainsi renoncer à « tout projet de construction et de séquestration de terres agricoles » et chercher « une autre solution pour étendre [son] activité et continuer à créer des emplois locaux sur la zone existante, sur des terrains déjà construits et viabilisés, ou sur ce que l'on appelle des dents creuses » (communiqué de presse de Lea nature du 02-06-2023). Exactement ce que nous demandons, à savoir le fait de tout mettre en œuvre pour que les éventuels besoins économiques des entreprises soient envisagés sur de l'existant et non sur l'artificialisation de nouvelles terres. Notons que 40 % de la ZA actuelle est inoccupée.
Depuis trois ans que dure la mobilisation, il s'agit là d'une victoire majeure puisque l'agrandissement de Nateva et le chantage à l'emploi qui l'accompagnait était l'argument principal de la Communauté de communes du Diois pour maintenir son projet en l'état. Espérons que ce désengagement de Lea nature incite un certain nombre d'acteurs à sortir de leur mutisme, qui confine parfois à la lâcheté, pour enfin se mettre en accord avec un discours ou des valeurs prétendument écologistes et s'exprimer clairement en faveur d'un moratoire. On pourrait ainsi rêver d'habiter une vraie Biovallée… Sur un petit territoire, tout le monde est pris dans un système d'interrelations qui rendent parfois les positionnements difficiles pour ne froisser ou se mettre en porte à faux. Mais continuer à se taire et laisser la parole à ceux qui prétendent incarner l'avenir du territoire revient à faire pourrir une situation qui risque d'aboutir à une nouvelle destruction de terres. Après il sera trop tard pour parler.
Fort.es de cette annonce de Nateva qui vide le projet d'extension de la ZA d'une bonne partie de sa substance, continuons à agir pour que ces terres ne disparaissent pas. Et profitons au contraire de l'opportunité de cette maîtrise foncière de la Communauté de communes pour mettre en œuvre des projets qui répondent au mieux aux enjeux alimentaires, climatiques et environnementaux que nous traversons.
Ce qui se joue à Chamarges dépasse largement les enjeux locaux puisque ce que nous voulons dénoncer à travers ce projet, c'est l'importance de la disparition des terres par petits bouts de moins de 5 hectares. Cela semble toujours moins emblématique que les grands projets inutiles sur plusieurs centaines d'hectares, mais l'impact sur la destruction des terres est tout aussi important. En cela, la loi Zéro Artificialisation Nette porte en elle un effet pervers puisqu'elle incite les communes à une accélération de la bétonisation avant la finalisation des PLUI dans la mesure où les futures autorisations d'artificialisation seront définies sur la base de ce qui a été fait avant la validation du PLUI. Plus il y aura eu de surfaces artificialisées avant le PLUI, plus cela donnera de droits à en consommer de nouvelles.
Dans cette lutte foncière, les paysannes et les paysans ont un rôle majeur à jouer puisque nous sommes les premier·es concerné·es par la disparition des terres agricoles. Prenons bien la mesure des enjeux et soyons toujours là pour les défendre, à Chamarges comme ailleurs.