DÉCÈS

Cher Robert,

Tu m'as prise de court, comme beaucoup je te croyais lorsque tu annonçais que tu allais vivre centenaire. Même si je redoutais un peu tes coups de fil interminables, j'ai tellement apprécié ces longues discussions avec toi, où tu me racontais mille choses, ta légendaire poudre de piment, l'actualité de Solidarité Paysans et toutes les formations que tu y suivais, ton travail de mémoire avec les camarades de Portes, les outils de traction animale que tu avais utilisés dans ta jeunesse (certains sont encore dans ta grange mais finalement on n'est jamais venus chercher ta sulfateuse!), et les derniers livres que tu avais fait acheter à la médiathèque de Portes.

Ce que j'aurais voulu pouvoir te dire avant que tu ne partes, c'est que, quand nous sommes arrivés dans la Drôme avec notre petite famille, j'ai réalisé que mon rêve était de devenir paysanne, et, qui sait, de peut-être un jour faire partie de cette équipe de paysan·nes militant·es que j'admire tant. Vous qui formez la Conf, le CAJ, Solidarité Paysans, qui avez relevé ce défi d' "être paysans ensemble", de ne jamais baisser les bras parce que vous croyez dur comme fer qu'un monde plus juste et plus solidaire est possible, et qu'il commence là, dans nos campagnes. Au cours de nos 16 années d'amitié tu m'as accordé une telle confiance (alors que j'ai été ta pire élève en apiculture) que j'ai le sentiment d'avoir pu, chemin faisant, prendre cette place de paysanne dont je rêvais. Je mesure à quelle point cela compte, la confiance accordée par nos pairs. Tes cafés adoucis au miel et ta grande silhouette protectrice vont me manquer, mais je ne peux que te remercier pour tout ce que tu m'as offert.

 

Margot Jobbé duval, paysanne à Glandage